Prends, lis numéro 11
Méditations mariales
Quoiqu’il ne soit pas vrai de dire de nos souffrances qu’elles nous abaissent au-dessous de notre dignité, car de quel abaissement n’est-il point digne celui qui a offensé l’infinie majesté de son Dieu? Cependant, admirez la miséricorde de ce grand Dieu. Par une disposition de son infinie clémence, il arrive que les souffrances procurent au chrétien qui les endure saintement une glorification d’autant plus grande, que, par elles, il a été plus profondément humilié et affligé. Et ici rappelez, encore à votre souvenir l’exemple du saint homme Job.
Rome, notre vie
«L’antique Sion conserve les monuments et les traces de la douloureuse Passion du Christ; mais c’est Rome, la Jérusalem nouvelle, qui est devenue le réservoir et le vase du sang rédempteur». Ainsi, le cardinal Pie, évêque de Poitiers au XIXème, voulait désigner la capitale de la Chrétienté comme le cœur de la foi catholique par le sacrifice rédempteur de la messe, mais aussi comme le réceptacle des reliques de la vie du Christ rapportées de Terre Sainte au cours des siècles.
L’Apostolat de la souffrance
Lorsqu’il plaît au divin Rédempteur d’associer quelqu’un à son œuvre réparatrice, il l’associe en même temps au moyen réparateur qu’il a choisi pour racheter le monde, c’est-à-dire à la croix. Voilà pourquoi l’Église catholique, qui a reçu de Jésus-Christ la mission de continuer son œuvre de réparation à travers les siècles, c’est-à-dire d’appliquer aux hommes les mérites du Rédempteur, porte toujours au front le signe sanglant de la croix, est toujours dans la persécution et dans la souffrance. De là, la dénomination de militante donnée à la sainte Église, notre mère, et dans une mesure plus ou moins restreinte à chacun de ses enfants. De là, dans les âmes que Notre-Seigneur daigne plus particulièrement associer à sa mission réparatrice, une part d’autant plus grande à ses douleurs qu’il leur réserve une part plus étendue de coopération à sou œuvre.
Le cuisinier de Nabuchodonosor
Joseph, fils de Jacob, fut livré par ses frères jaloux à des marchands, dont la caravane se rendait en Égypte. Là, comme on le sait, il fut acheté par un dénommé Potiphar, dont il gagna la confiance. Ce personnage fit de Joseph son administrateur : tout allait pour le mieux jusqu’à ce que la femme de son maître, qui s’était éprise de lui, fît à Joseph des avances, qu’il repoussa. Furieuse, la femme de Potiphar fit croire à son mari que l’intendant avait tenté de lui faire violence : il la crut ; et Joseph, sans même être entendu, se retrouva en prison, où il fit la connaissance de deux serviteurs de Pharaon. Toute cette histoire est bien connue. Certains détails, pourtant, ne laisseront pas de retenir notre attention, si nous les considérons de plus près.
Petite histoire du christianisme
Pour nombre d’entre nous, le onzième siècle est avant tout celui de la rupture entre Rome et Byzance (1054). L’événement, nous allons le voir, s’insère dans l’écheveau compliqué des relations entre les grandes puissances du moment, à une époque de redéfinition des rapports entre le temporel et le spirituel. Du reste, pour les contemporains, la rupture n’apparut pas d’emblée comme un drame de premier ordre : après tout, ce n’était pas la première fois que les deux Sièges se brouillaient ; et nul n’imaginait que, cette fois, quelque chose de définitif s’était produit. Le onzième siècle, nous allons le voir, fut d’abord celui d’une profonde transformation de la société médiévale : les secousses des invasions à répétition, depuis le quatrième siècle, s’achevaient progressivement, les royaumes se stabilisaient, la Chrétienté s’affirmait comme une idée partagée par les Européens, et l’Église affirmait vigoureusement son indépendance par rapport au pouvoir civil, avec toutes les conséquences que cela devait impliquer.
Le fardeau du Christ ne charge jamais
Dans un précédent article consacré aux Deux Testaments et à la centralité du Christ (voir Prends, lis 9), nous avions présenté et commenté une gravure de Jérôme Wierix que nous reproduisons ici en petit format. Récemment, il nous est apparu que, dans notre commentaire, nous avions manqué un élément essentiel, susceptible pourtant de jeter un surcroît d’éclairage sur le sens général de l’image. Réparons cette omission, et saisissons l’occasion qu’elle nous offre d’aller plus loin.
L’hymne de sainte Cassienne
Dans la tradition liturgique orientale, on appelle ‘tropaire’ (tropárion) une hymne liturgique se signalant par sa brièveté: une strophe unique. Cette strophe peut éventuellement servir de refrain à une composition plus vaste, ou être associée à d’autres strophes similaires dans une série formant ce qu’on appelle un ‘canon’.
Parmi les nombreuses hymnes brèves de la tradition byzantine, arrêtons-nous sur celle que l’on désigne habituellement comme «le tropaire de Cassienne». Sainte Cassienne fut abbesse d’un monastère de religieuses, à Constantinople, au neuvième siècle. En particulier, elle se fit connaître comme poétesse et hymnographe; elle est en outre la seule femme dont plusieurs compositions ont été intégrées à la liturgie de l’Église en Orient.
Une anecdote célèbre, rapportée par plusieurs chroniqueurs byzantins contemporains, met en relief la forte personnalité de Cassienne: en 830, la mère du jeune empereur Théophile songea à marier son fils. On lui présenta donc, comme c’était la coutume à Constantinople, plusieurs jeunes femmes remarquables pour qu’il choisît parmi elles sa future épouse.
Frappé de la beauté extraordinaire de Cassienne, Théophile s’approcha d’elle et, pour mieux la jauger, chercha à la déstabiliser en lui soufflant: «La déchéance vient de la femme», allusion à la faute originelle et à ses suites, la corruption sous toutes ses formes. Sans se laisser démonter par l’impériale provocation, la jeune femme répondit incontinent: «Le rétablissement vient aussi de la femme», puisque le Christ naquit de la Vierge Marie. Frappé de la justesse de cette réplique et de la tranquille assurance de Cassienne, Théophile lui préféra une épouse qui n’eût pas son répondant, et dont la personnalité fût moins marquée. Pour la jeune femme, ce fut un soulagement: loin de convoiter les pompes terrestres, elle n’aspirait en effet qu’aux choses du ciel: elle se fit donc religieuse.
Sous un empereur acharné à détruire les images saintes, Cassienne demeura inébranlablement fidèle à la foi orthodoxe. Son attachement aux icônes n’échappa pas à la police impériale; et ni le souvenir de son entrevue avec le souverain ni sa beauté ne la mirent à l’abri des vexations: elle fut même flagellée en public pour avoir ouvertement dénoncé l’impiété iconoclaste. Loin de l’abattre, la persécution renforça sa détermination à tenir bon: «J’abhorre le silence, quand le moment est venu de parler», disait-elle.
La mort de Théophile, en 842, mit un terme définitif à la crise iconoclaste avec la «victoire de l’Orthodoxie», qui assura le triomphe définitif du parti favorable à la vénération des images. La paix revenue, Cassienne, nous dit-on, se rendit brièvement en Italie avant que de se fixer dans la petite île grecque de Kasos, à l’Est de la Crête, où elle acheva son pèlerinage terrestre à une date inconnue, durant la second moitié du neuvième siècle.